la maison qu'habite mon frère est celle que nous avons tous habités. Elle n'est pas bien grande. C'était probablement la plus petite des cités-jardins, mais je n'en ai pas souffert, je vivais dans le jardin. Il y avait la cuisine-salle à manger avec une minuscule cuisine toujours encombrée. un sombre couloir, une salle de bain… ce qui n'existait pas lorsque les gens ont commencé à habiter ces cités… ni baignoires ni douches, ce furent les locataires qui durent trouver une place pour s'aménager ce qui devient passage obligé quant au confort moderne. Il y avait la chambre des parents et celle des enfants… Nous étions cinq enfants, séparés chacun par cinq années… je dormais dans un petit canapé lit dans la chambre de mes parents… Un de mes frères était à l'armée… l'ainé vivait dans les cités blanches avec sa femme… j'ai probablement participé a son mariage, mais je n'en ai aucun souvenir. l'autre chambre était occuppé par jacques et ma sœur. Il restait le moins possible a la maison et passait beaucoup de temps avec notre voisin… la maison était trop petite, et ma mere se débattait seule - mon père était sans arrêt en déplacement sur des chantiers. Les corvées quotidiennes, le linge, la cuisine, le rangement, la dépassait visiblement… Sans doute traversait elle sa ménopause. Je me souviens que la trouvais souvent couchée. Ma sœur s'occuppait de moi…
Une cave acceuillait la chaudière a charbon, et l'on m'y enfermait lorsque j'étais puni. Dans le jardin des tonnelles, et une cabane pour les vélos, le solex…
Dans la salle a manger, les chaises étaient couverte de linges qui attendaient le repassage, parfois des semaines… Une machine à laver tournait sans arrêt dans la salle de bain. la table de la salle a manger était rarement désservie, il fallait parfois se faire un peu de place pour pouvoir déjeuner. Lorsque mon père rentrait de chantier le vendredi soir, il jettait tout à terre tellement cela l'énervait. Lorsqu'il était à la maison la maison était plus nette… son travail était fatiguant et il était pas rare qu'il s'endorme à même la table. Mon frère était en franche opposition avec ma mère, il y eu quelques bagarres épiques, il ne comprenait pas l'état de la maison et il cherchait refuge chez les voisins. Mon père toutefois défendait ma mère et alerté par elle quitta son boulot pour remettre un peu d'autorité à la maison. Il perdit sa place et mit du temps a en retrouver une autre. Je crois me rappeller que malgré que ma maman était couturière j'étais mal fagotté. Parfois nous profitions de l'absence de ma mere pour jeter des pleines poubelles de sacs en plastiques, des cartons entiers de ficelles, d'aliments dont la date était périmée. Lorsqu'elle rentrait la maison brillait et sentait bon l'encaustique… alors elle s'énervait après ma sœur de ce que nous réussissions ce qu'elle n'arrivait pas a faire… une maison propre et correcte… elle reprochait de ne plus rien retrouver… Mon frere avait honte, ma sœur en souffrait… moi j'étais trop petit je ne me rendais compte de rien…
Sans doute au niveau scolaire cela ne m'aida pas… pas de coin pour faire mes devoirs, alors je ne les faisait pas… mon frere ainé me raconta que lui faisait ses devoirs dans la salle de bain. Personne pour me soutenir et m'encourager…
Lorsque je grandi, mon père était à la maison… ça allait mieux…
Mais ils on vieillis… mon père apres quelques années heureuses de retraite tomba malade… une maladie de normand… les artères de sa jambe se bouchèrent et pour éviter la gangrène, on tailla dans le vif… Il ne s'en remis jamais et se sentit diminué et d'un seul coup lui qui était si fier et si vaillant adopta la conduite d'un petit vieux. Ma mère faisait ce qu'elle pouvait, mais lorsque la maladie devint sérieuse, elle lacha prise… moi même je ne pouvais pas supporter de le voir dans cet état et j'allais rarement le voir à l'hopital… je parlais très peu avec lui,e t le voir dans cet état m'était insupportable. Dans ce laps de temps, mon frère JC revint à la maison pour s'occupper de lui et aider ma mère… ce qui partait d'un bon sentiment lui a longtemps été reproché. D'une nature très particulière JC s'entoure d'animaux, de livres, de disques, et de toute sortes d'objets… Il a hérité de ma mère l'idée de l'accumulation (ma mère avait souffert de pauvreté en perdant son père et le manque a perduré pendant la guerre.) A cette époque là je ne voyais que ses mauvais côtés et je me rebellais devant la crasse qu'il affichait, et par la maison que ses nombreux chiens salissait… il prenait le balai pour nettoyer les pipis des chiens mais en fait étalait dans le salon ce même pipi… je rlais… peine perdue… parfois je venais a la maison et je passait ma visite à tenter de tout nettoyer, mais a chaque fois que je venais c'était de pire en pis. la maison se surchageait de chiens, de linge, d'objets qu'il ramassait aux poubelles, et ma maman vieillisait elle aussi… elle pensait qu"elle aidait JC en l'hebergeant ainsi… mes freres et sœur partageait ma préoccupation devant cette saleté exponentielle, mais nous n'arrivions qu'à le braquer et la maison se dégradait en même temps que ma maman vieillissait… je venais de moins en moins, l'atmosphere de la maison devenait irrespirable. Je plaisantais en disant que l'odeur de la ménagerie du jardin des plantes était plus douce , mais en même temps c'était vrai.
Lorsque mon pere disparut il continua a s'occupper de ma maman, ainsi elle n'était pas seule… j'aurai juste voulu que pour ses vieux jours elle vive dans une jolie maison telle que je l'avais connue lorsque mon pere était là.
Elle parti en maison de gériartrie et je venais parfois voir JC avec un de mes freres, mais, jamais nous ne pouvions entrer dans la maison. des la porte du jardin une odeur âcre nous prennais à la gorge. Odeur entêtante qui restait dans les narines, plusieurs heures durant. A la maison, c'était une apocalypse, un chaos, le savon y était désormais proscrit, et malgré sa culture, son intelligence, nous ne parvenions pas a faire entendre raison à JC.
Le jardin dans lequel j'ai passé une merveilleuse enfance sur mon cerisier, avec ses lilas, ses forthysia, ses troennes, ses abricotiers, ses pruniers… ses fleurs, Il n'en reste plus qu'une sale et poussiereuse terre battue, il a tout arraché… mit des planches, des carcasses de moto, de vélo… des remises pour ses accumulations de planches dont il ne faisait rien…
cette maison ne nous appartient pas, elle est louée depuis les années 40 à l'Office des HLM… Autour les voisins se plaignent et subissent les odeurs… JC ne le comprends pas, ne le voit même pas… et aujourd'hui nous allons perdre cette maison que j'ai tant aimé, dans laquelle depuis les annees 85 je ne vis plus, car une plainte a été déposée et JC va devoir déguerpir et cette maison sera accordée à une autre personne… j'irai voir les nouveaux occuppants et je leur offrirai les textes ou je parles de ces cités, de la maison, je leur expliquerai l'histoire du quartier, je ne veux pas que cela se perde.
Commentaires
C'est une bien grande note! J'ai envie de te prendre contre moi pour effacer un peu de cette nostalgie et de ce chagrin que je ressens en la lisant( mais je fais peut etre erreur). Je ne sais pas si tu a raison d'aller voir les nouveaux locataires tu risque d'etre déçu de leurs comportements. Tes souve,irs ne sont pas les leurs....
Amicalement
Je suis émue par cette note. Ta mère aurait du avoir une aide à domicile pour les moments où elle se sentait dépassée, fatiguée. Cela lui aurait remonté le moral. C'est vrai que certaines personnes aiment amasser. Moi c'est plutôt le contraire. J'aime de temps en temps jeter ce qui est inutile pour faire de la place et surtout, je respire mieux. Car j'étouffe quand rien n'est rangé. Tes parents étaient déjà âgés quand ils t'ont eu car tu es le petit dernier et cette différence d'âge n'a pas aidé. (si je comprends bien, tes parents sont nés vers 1915 ?). Quand ma mère a eu son 5ème enfant, elle a eu une aide qui, je me rappelle bien, s'appelait Gabrielle. Elle faisait la lessive et le ménage. Bon, cette aide a duré quelques mois mais elle a été bienvenue.
Bises.
tu a raison j'y avait pensé, et si ma mere avait acceptée cette aide aurai été la bienvenue… Mais a priori mon frere était là au départ pour l'aider… ceci dit il a fait ce qu'il a pu… le hic c'est qu'il partageait la manie de l'accumulation et n'a aucun sens de l'hygiene la plus élémentaire… Une aide ménagère n'aurait pas forcément acceptée de travailler dans une maison pareille… pour elle c'était un travail énorme… tu ne peux te rendre compte de l'état de la maison… Moi aussi j'étouffe dans le désordre et pire la saleté, ça me rappelle des trucs pas sympa, j'aime les livres, les cd et je lutte contre la tentation d'en acquerir de nouveaux, j'ai un mal fou à jeter, mais je me raisonne et l'exemple que j'ai eu me pousse a jeter tout de même malgré les bonnes raisons que j'ai à conserver mes reliques… ma bibliotheque occuppe trop de place et j'envisage d'opérer un tri drastique… mon ideal serait une maison zen ! y'a encore du boulot!!!
La mémoire dans les murs ...
Yoyo : ne jette quand même pas des choses comme des livres ou des cd. Moi je donne des vêtements que je ne mets plus, des magazines trop anciens d'ailleurs on trouve tout sur Internet, pas la peine d'acheter des journaux et des magazines. Certains libraires peuvent te racheter des livres que tu ne veux pas garder. Je pense à la Librairie GIBERT, qui est nationale... il y a quelques années, mon mari qui récupérait des bouquins dans les déménagements qu'il faisait, les portaient par cartons entiers à cette librairie qui les rachetait.
Quant à la maison de tes parents, avant de la relouer, les HLM vont devoir tout remettre à neuf pour effacer la saleté et les odeurs, je pense car personne ne pourra y habiter tel que.
On dit qu'une maison rangée est le symbole d'un esprit clair... C'est vrai que je suis déjà allée dans des maisons où c'était le bordel dans toutes les pièces, mais les occupants aimaient cela. Moi, chez moi c'est clair, trop bien rangé peut être, mon mari me le reproche mais quand on y entre, on se sent bien. Bon courage yoyo, je te comprends puisque c'est la maison où tu as vécu, tu y a laissé des fantômes de toi....
Ah si les pierres pouvaient parler, elles en auraient des choses à raconter...
Très émouvant ton texte...
Bibis
oui c'est émouvant
et parlant
et vivant
et touchant
ces fins de vie
je t'embrasse
C'est un très beau texte, très émouvant aussi...
La maison de mon enfance, que mon grand-père avait construite de ses mains, a été rasée. Il m'arrive encore d'en rêver...
Surtout des jeans bien rangés. Et des serviettes dans le cabinet de toilette. C'est comme ça qu'il s'est fait connaître. J'aurais pu inclure ce morceau dans "Catalogue de mode", ou bien dans le roman là avec le truc des cow-boys qui était fait pour rire.
Malgré la confiance qu'on lui a accordé, ça n'a pas suffi. C'est la dernière fois qu'il a rangé les vêtements à leur place. La dernière fois qu'il a "fait la caisse". La fois dernière qu'il a souri au petit black chargé de la sécurité. La dernière fois aussi qu'il a regardé discrètement le tatouage à la cheville de Noémie, sa collègue depuis peu. C'est la dernière fois tout. Tout d'un coup. C'est comme ça...
... http://andy-verol.blogg.org
Ton texte est à la fois terrible et touchant. Quand je te lis, j'ai l'impression de lire une histoire d'un autre temps, toi qui est plus jeune que moi pourtant...Moi aussi je m'attache, au HLM de mon enfance, à mes jeux de gamine qui jouait de rien, de cabanes, de trouvailles...à des choses du passé mais qui redeviennent douloureuses quand je les remue.
Je crois que les souvenirs, bons et mauvais, sont indispensables au coeur et à l'esprit. Et moi je tiens à mes souvenirs, même aux moins bons, car ils m'appartiennent et font intégralement partie de ma vie. Ce sont eux qui m'ont construit, appris à devenir forte, aimante, tolérante, à l'écoute. Je t'embrasse tendrement ...
Saphro
C'est vrai tu a raison c'est une histoire d'un autre temps, ma mere avec cette manie d'accummulation renvoie a ses 12 ans le jour ou ayant perdu son pere suite au naufrage de son bâteau, est passée du statut de fille de capitaine à fille de rien et elle a passée sa vie, elle qui n'avait plus rien a imaginer que quantité égale richesse… et le desordre de mon frere lui remonte a ses premieres années et aux manques dûs à la guerre… moi qui était fils du baby boom, et qui vivait les 30 glorieuses, j'avais leur histoire et je vivais avec. Ces souvenirs sont en effet cathartiques, ce sont des choses dont je n'aurai jamais parlé il ya quelques années… j'en avais honte… maintenant ça m'aide a comprendre, et a passer à autres choses.
"...et ma maman vieillissait... je ne veux pas que ça se perde.".
Je crois que c'est le plus beau cadeau que tu peux lui faire, parce que je crois qu'au milieu du "matériel" qui peut écraser, faisant alors oublier un peu son vrai visage - que l'on cherchera à préserver un peu pour son sourire - ce qui compte au final est que les propres enfants aient senti l'effort à bien faire avec les poids et les moyens du bord et aussi l'héritage du passé. C'est-à-dire qu'ils se soient senti aimés avec la beauté et la tranquillité que cela apporte.
Merci, Io. Tu sais...
Troublante note et nous sommes avec toi. A bientôt.
Salut égaré dans le monde, nous sommes bien proches et je suis par conséquent bien loin. À plusieurs maisons il m'a fallu laisser vivre une vie sans moi. Elles vivent de plus nombreuses aventures que nous, car parfois, elles nous survivent. Elles le font dans le souvenir, dans l'Histoire ou dans le quotidien. Merci de m'avoir invité dans tes souvenirs. Je me sens ainsi beaucoup plus proche de toi et suis très ému. Le souvenir est ton partage, le tien seul. Si tu propose de le partager, les prochains dans la maison ont le droit de refuser. Ce sera peut-être une grande rencontre dans le tourbilon de la vie. Je pense à toi, sous la neige et dans le vent des grandes tempêtes. Porte-toi bien cœur vaillant.
merci pascal… ça boume a munich? le boulot? les zamours? tu passe en decembre ? Rassure toi tout va bien, ces notes sont d'un œil distancé… a bientot donc
Tu as encore réussi à m'émouvoir par ce récit qui n'a rien de pathétique tout en débordant de sensibilité. J'aime pas m'entourer d'objets, je m'attache rarement à des " choses ". Déjà pour tous les paperasses de prof il me fallait une chambre à part. Mais ce dont j'ai toujours rêvé c'est " a room of my own ". J'en rêve encore.
Bises roumaines.
Ta note m'a remuée à plus d'un titre parce qu'elle parle de valeurs humaines universelles, même si pour moi les choses étaient inverses. J'étais fille unique élevée par ses grand-mères dans une maison de 40 pièces avec un parc.
J'ai toutefois reçu " je vivais dans le jardin " comme une grâce.
Et j'ai aussi écrit et raconté 1000 fois ma maison d'enfance et le déchirement quand elle a a été vendue. Je ne m'en suis jamais remise, et depuis j'erre...
Enfin, là où tu parles de crasse, de pipi de chien et d'accumulation, je vais te parler d'amour !
Ton frère, hypersensible était sans doute pour cette raison mysanthrope par protection et en manque comme ta maman, a rempli sa vie de l'amour inconditionnel des animaux, et d'objets comme repères.
Et tu sais, quand on a rien, on se fait une tanière avec ce que cela comporte d'instinctif et d'animal...
Ce n'est pas du laisser aller, c'est de la souffrance.
Beau texte, très touchant, sorti d'un seul jet, j'imagine, quelque chose qui nettoie, comme un grand ménage... Le for intérieur et l'intérieur d'une maison ont beaucoup à voir ensemble.
Il m'a touchée ton texte. Je pense à toutes ces femmes dépassées par un quotidien exigeant....et j'imagine la difficulté à tenir cette trop petite maison et l'accumulation du linge et des repas...éternel recommencement sans jamais de répit.
ça faisait longtemps que je n'étais passée par ici...
pour mieux te découvrir
bisous
@ bientôt